Lettre No. 7
23 juillet 2023 | Lettre, Promenade | architecture, Histoire, Patrimoine, Templier

Yvignac la Tour: L’église et l’If.
L’histoire
Chose promise, chose due, les lectrices et lecteurs qui attendaient avec impatience la Lettre No. 7 vont être servis. Nous allons essayer de vous faire découvrir l’histoire étonnante de l’église Saint-Malo d’Yvignac, un monument unique dans la région, dont les origines exactes sont encore floues et qui évita, la destruction de justesse.
Voila comment M. -E. MONIER, historien du pays de Dinan, décrit son arrivée à Yvignac la Tour dans « 15 promenades autour de Dinan » publié en 1956:
« La route qui mène de Broons à Yvignac ….. présente une belle ligne droite au bout de laquelle la tour de l’église s’élève comme un haut donjon surmonté d’une galerie de Ronde… un clocher peu ordinaire, inspiré du Roman…. », et plus loin, » Extérieurement, à l’exception de sa curieuse tour, l’église est d’un aspect banal , mais lorsqu’on y entre on est surpris devant la majesté , la solennité et l’ampleur de la nef de cette église de campagne ou se rencontre un art dont la puissance massive est cependant élégante ».
Il ajoute dans un ouvrage intitulé « Sanctuaires, Crois et Fontaines » publié en 1962:
« Mais comment expliquer la présence d’un pareil monument dans ce bourg très quelconque? » et ensuite « Il faut avouer que nous ne connaissons pas les origines de cette église remarquable qui après-tout ne provoque notre étonnement que par suite de la disparition complète de tant d’autres qui l’égalaient peut-être »
Comme vous avez lu attentivement la Lettre No. 6, vous savez qu’ Yvignac la Tour est une ancienne paroisse primitive Gallo-Romaine, qui dès 1152 est mentionnée comme telle dans des documents de l’évêché de Saint-Malo et qu’une église » ecclesia de iviniac » apparait pour la première fois en 1181, dans des écrits de la même source. En 1182, une église apparait à nouveau, sous le nom d’Ilfiniac dans une charte du duc de Bretagne listant, c’est intéressant, les biens des Templiers. Enfin en 1187 dans un autre document provenant du même évêché on trouve une « ecclesia sive parrochia de Ivignac ».
Mais qui a construit et maintenu cette église et depuis quelle date? Quel rôle ont joué les Templiers. Les avis divergent. Il semble qu’une église plus petite existait au même endroit depuis le VIIe siècle, modifiée et agrandie à plusieurs reprises. On sait aussi qu’on plantait souvent des Ifs dans les cimetières entourant les églises (suivez mon regard). Finalement, et je cite à nouveau Mathurin Monier « Les sculptures, des piliers en particulier, empruntent certains motifs au règne végétal. D’autres paraissent étranges, barbares ou hiéroglyphiques. On y voit aussi des images humaines et animales. De quoi faire rêver, s’interroger ou méditer ».
ll ajoutait un peu plus loin: « deux choses valent qu’on vienne à Yvignac la Tour , Nous rêvons et nous prions dans une église bâtie au temps de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant et nous admirons un arbre qui a peut-être vu les derniers soldats de la gaule romaine »
La rénovation
L’église Saint-Malo, avec un clocher en mauvais état, existait donc à Yvignac la Tour en 1865; sans entrer dans les détails (désaccords politiques, procès avec les maitres d’œuvre, etc.), la décision fut prise de remplacer le clocher par la fameuse tour qui existe encore. Les travaux commencèrent en 1868 et s’achevèrent fin 1874. Malgré cette rénovation couteuse, plusieurs parties voulaient absolument démolir et remplacer cette église. Avec toutes les autorisations signées et les travaux adjugés en décembre 1878, la destruction pouvait commencer !
Mais des autorités veillaient: 2 jours après l’adjudication, le maire reçu un ordre du préfet de ne pas toucher au bâtiment. L’ architecte des beaux-arts, Edouard Corroyer, qui travaillait à la restauration du Mont Saint Michel, mandaté par l’Inspecteur général des monuments historiques , inspecta l’église, qui fût classée le 1er aout 1879. Les nouveaux plans livrés par Mr. Corroyer en mars 1882 prévoyait, a juste titre, d’éliminer tout ce qui était plus récent que le XIe ou XIIe siècles, sauf la tour (voir image ci dessus).
L’église rénovée fut bénie en Octobre 1884.
L’ Église
L’If
il y a donc à Yvignac la Tour un IF très ancien (millénaire dit-on), qui aurait, c’est une hypothèse, donné son nom au village. Il est remarquable en raison du diamètre de son tronc et du fait qu’il est creux, ne formant plus qu’une parois de quelques centimètres d’épaisseur. L’arbre date probablement de la création de la paroisse et de son cimetière et serait donc associé au premier lieu de culte antérieur à l’Eglise.
Il fait 8.3m de circonférence, 15m d’envergure et 13.5 m de hauteur. Le nom latin de ce genre d’IF est Taxus Baccata. L’association A.R.B.R.E.S. lui a donné le label « ARBRE REMARQUABLE DE FRANCE ».
Et finalement, le tronc creux de cet arbre a permis à Yvignac la Tour d’établir le record d’Europe » du plus grand nombre de personnes à l’intérieur d’un tronc d’arbre creux ». Le 15 aout 2017, 58 personnes sont parvenues à y entrer simultanément.
Yvignac aujourdhui
les quelques photos ci-dessous prises autour de la place centrale, ou l’étude d’une carte des environs, montrent qu’Yvignac la Tour est un lieu de passage au centre de nombreuses routes départementales. Pour les visiteurs et résidents à la recherche d’un endroit pour se restaurer ou se désaltérer, il existe le restaurant/traiteur/bar « Les Templiers », qui a une solide réputation, ainsi que « Le Bistrot de la Tour ». De temps en temps comme vous le voyez, un camion de poissonnier fait une halte.
Pour conclure, il semble que le rythme de vie à Yvignac la Tour est plutôt calme. Son église, si particulière, est fermée (pour visiter, on peut récupérer la clef à la mairie en laissant sa carte d’identité) et utilisée de façon épisodique essentiellement pour des offices spécifiques ( enterrements, baptêmes, etc.). C’est le cas dans de nombreuses paroisses en Bretagne et en France en général.
Je terminerai en mentionnant qu’il existe un Chateau d’Yvignac, malheureusement détruit et reconstruit (inscrit depuis 1964 pour certaines parties en ruines), qu’on ne peut pas visiter. Enfin, c’est important, la commune héberge la chapelle Saint-Jean-Baptiste de Lannouée ( le nom a évolué avec le temps), un des éléments d’une très ancienne Commanderie de l’ordre, fondée a la suite d’une aumône confirmée par une charte du Duc Conan IV en 1182, et passe dans les mains des Hospitaliers de Saint Jean en 1313. La commune l’a acquise et rénovée.
Je n’en dit pas plus car ce sera le sujet d’une lettre a venir, qui traitera, entre autres, des templiers en Bretagne et des Croisades.
Restez à l’écoute, à bientôt