LETTRES DU PAYS DE RANCE

Lettres du Pays de Rance Lettres et promenades

Une cité du livre haut perchée

Lettre No. 8

30 juillet 2023 |  ,  |  , , , , , ,

Une Librairie

Une cité du livre haut perchée  

Il y a 30 ans, par une fin d’après-midi d’hiver froide et brumeuse, je me garais pour la première fois sur la place Alexandre Jehanin, à Bécherel. J’étais à la recherche d’un libraire qui vendait (peut-être) un livre de cuisine épuisé que je cherchais depuis longtemps,  » la cuisine en 6 leçons », d’Édouard de Pomiane, publié en 1926. Je ne savais pas, à ce moment, que je reviendrais souvent dans cette « petite cité de caractère » aussi labellisée « cité du livre ». Je ne savais pas non plus que Alexandre Jehanin, qui donna son nom à cette place, avait été député d’Ille et Vilaine (1902-1906)  et Conseiller Général du canton de Bécherel (1892-1904). 

Si vous ne connaissez pas cette petite cité (698 habitants en 2020 et la plus petite surface du département) allez-y, plutôt en fin de semaine, vous ne le regretterez pas. C’est ce que j’ai fait il y a quelques jours, avant d’écrire cette lettre, afin de me replonger dans l’atmosphère particulière de l’endroit.

Histoire: 

Le nom actuel est attesté en 1150 par une lettre du Cardinal Odon à Jean évêque d'Alet. Il semble que le nom Bécherel vient du gaulois “bec”( pointe)  et du suffixe breton “erel” (sommet), en raison, vous l’avez deviné,  de sa position, qui n’a pas échappée aux vendeurs  de téléphones mobiles et télévisions qui y ont construit une immense antenne, visible de très loin.

En raison de cette  situation stratégique (elle domine la vallée de la Rance à 176 m d’altitude ce qui permet de surveiller le pays jusqu’à Dinan),  Bécherel a connu un passé plutôt mouvementé. Les recherches archéologiques ont mis à jour les restes de nombreux bâtiments et sanctuaires Gallo-Romains – et plus anciens- dont une stèle, non datée, incrustée dans le mur de l’ancien cimetière, liés à sa proximité de la voie Romaine « Rennes-Corseul ».

Au moyen âge, durant les guerres de successions, la ville subit de nombreuses attaques, sièges et occupations (ce qui suit n'est qu'un échantillon):

1124 – Alain de Dinan reçoit la terre de Bécherel en héritage et construit un château dominant la vallée, autour duquel le village se développe. Apres sa mort en 1148, Roland de Dinan, son fils, reçoit Dinan Sud, Léhon et Bécherel. il disparait vers 1170.

1168- Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre occupe la ville et renforce les fortifications 

1181- 1182   Le château est repris et incendié par le duc de Bretagne Geoffroy II

1350- Les anglais alliés de Jean de Montfort s'emparent de Bécherel 

1363- Charles de Blois aidé de Bertrand du Guesclin assiège la ville; Jean de Montfort contre-assiège. Des évêques négocient un accord entre les Blois et les Monforts. 

1371-  Bertrand Du Guesclin assiège à nouveau le château au nom du roi Charles V.

1374- La garnison anglaise de Bécherel capitule et se retire.

1419 Anne de Laval , Baronne de Bécherel  restaure les fortifications. 

etc.

La ville se développe à partir du XVIe et jusqu'au XVIIIe siècle  grâce à l'industrie toilière (lin, chanvre),entre autres. Cela continue au XIXe siècle durant lequel, Alexandre Jehanin (mentionné au début de cette lettre comme homme politique) et son frère François, comme exemple car ils ne sont pas les seuls, développent des activités multiples (tanneur-corroyeur mais aussi meunier ou fabricant de galoche, etc.). Voir l'ouvrage du Dr. Maogan Chaigneau-Normand dans son ouvrage  “La Rance Industrieuse”. 

 

Le Patrimoine de Bécherel

Alors qu'on trouve de belles maisons anciennes du XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, dans la vieille ville, la commune ne compte aucun bâtiment protégé au titre des monuments historiques: Parmi ces maisons ont peut mentionner La maison du gouverneur (XVIe), l'ancienne hostellerie de l’écu de Laval(XVIe et XVIIe) , une ancienne maison de Tisserand (XVIe)  et la maison du 11 rue de la filanderie (XVIIe). 

On peut citer aussi, les restes des anciennes fortifications médiévales dont une partie des remparts urbains et les ruines de l'ancien donjon datant du XIIe siècle, construit par le seigneur de Dinan. Les anciennes portes  (Berthault et Saint-Michel) ont été détruites au XIXe siècle comme à Dinan.  

L’église Notre-Dame de Bécherel ( XVIIe siècle, 1868-1898) est située á l’emplacement de l’ancienne chapelle du XIIe siècle érigée en paroisse en 1164. Elle souffrit de nombreuses démolitions et réparations au 19e siècle.  Elle mérite d’être visitée, avec son clocher-porche, sa flèche et, à l’intérieur,  une statue de la vierge à l’enfant (XVIIIe siècle), parmi d’autres reliquaires. 

 

Bécherel  aujourd'hui: la cité du livre.

 

 

Une association créée en 1985,  Savenn Douar ( Le Tremplin), dont l’objectif  est d’accompagner toute démarche  culturelle permettant d’animer un  territoire et favoriser la création d’emplois, décida, en 1989,  de créer  » Bécherel, Cité du livre ». Différentes raisons conduiront à choisir ce village (des membres de l’association vivent dans le village ou la région, le village est située entre deux voies express – Rennes-Saint-Malo et Rennes-Saint-Brieuc, le village Bécherel connait la désertification comme de nombreuses communes rurales,  mais reste riche de son histoire, et de son patrimoine). Après une visite à un des deux autres villages offrant une telle proposition en Europe,  (Redu dans les Ardennes belges), la décision est prise et un premier investissement est fait par la fondatrice de la fondation, Mme Trublet.

Peu a peu, des libraires et bouquinistes s’installent , ainsi que des artisans du livre ( calligraphes, enlumineurs, relieurs et autres professions); des évènements annuels sont programmés: Fête du livre, nuit du livre, marché du livre, etc… y compris des ateliers et stages offerts par les artistes locaux.

En 2011, « la Maison du livre et du tourisme » est créée , regroupant les acteurs culturels, les professionnels du livre et du tourisme, ainsi que les institutionnels. Aujourd’hui, « la cité du livre » regroupe 12 libraires de livres anciens et d’occasions, 2 ateliers de reliure, 1 calligraphe, 1 calligraphe -enlumineur, 1 illustrateur BD et des ateliers d’artistes. Depuis, 7 autres villages et cités du livre se sont créés en France.

Ma visite récente, par un après-midi moitié pluvieux/moitié ensoleillé, fut très plaisante; les libraires et autres commerçants étaient souriants, une partie de pétanque sérieuse était en route sur la place du village et des visiteurs parlant toutes sortes de langues déambulaient paisiblement de boutiques en boutiques. Les libraires qui étaient déjà là il y a trente ans ( peu nombreux il faut le reconnaitre), me saluaient comme un vieil ami.

La promenade le long des remparts offre toujours une vue étonnante sur le pays de Rance.

N’oublions pas, car il faut bien se rassasier, les endroits ou on déguste des spécialités locales comme  « la crêpe bouquine » qui offre des produits locaux. Le bistro créole « La part des anges »  propose des mets exotiques, et certains librairies ont des espaces « salon de thé ».

Tout ce qu’il faut pour passer quelques heures agréables entre vieux livres et chocolat chaud est disponible, qu’il pleuve ou qu’il vente !

 

J’allais oublier: j’ai bien trouvé  le livre que je cherchais et beaucoup d’autres lors de mes nombreuses visites, ainsi qu’une lettre d’Edouard de Pomiane.

 

 

Dépêchez vous

 

 

Après plus de trente années passées sur les bords de la Rance, d’abord en vacances, puis, plus récemment, comme résident, j’ai eu envie de partager mes impressions concernant cet endroit unique, sous la forme d’une lettre, illustrée, hebdomadaire dans un premier temps, adressée aux résidents et visiteurs de cette région superbe, en plein développement.

NEWSLETTER

En indiquant votre adresse email vous consentez à recevoir nos lettres par voie électronique. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment et via les liens de désinscription.