LETTRES DU PAYS DE RANCE

Lettres du Pays de Rance Lettres et promenades

Sur la piste de « la Rose de Plouër-sur-Rance »

Lettre n°2

20 avril 2023 |   |  ,

Je ne suis pas un spécialiste des fleurs en général, ou des roses en particulier mais, comme la plupart des habitants de notre belle région du Pays de Rance, je suis étonné par le nombre de jardins, de toutes tailles, qui font le bonheur des Plouërais et des visiteurs qui les découvrent au hasard de leurs promenades.  Un nombre important de demeures fleuries (petites et grandes), et d’espaces clos , couverts de fleurs de toutes provenances sont ouverts au public en permanence ou à certaines périodes. Certains de ces jardins extraordinaires, sont connus  internationalement et existent depuis des décennies. Nombreuses sont les communautés qui ont des clubs ou autres associations, formelles ou informelles, permettant aux passionnés aguerris et débutants curieux, de se rencontrer pour échanger, des idées, des fleurs, ou tout simplement parler bouture.

Et puis nous sommes bénis par les innombrables fleurs sauvages (souvent évadées de jardin clos il y a bien longtemps) qu'on trouve, le long des chemins et des routes. Parmi toutes les plantes et fleurs concernées, les roses anciennes tiennent, sans aucun doute, une place à part.

En lisant le dernier magazine municipal de Plouër-sur-Rance je suis tombé sur un article dans la rubrique -« Vie Culturelle & associative » qui présente un projet intitulé  « »Le petit Patrimoine de  Plouër-sur-Rance » , projet subventionné par le Fonds de Développement de la Vie Associative  2022 de cette commune et mis en œuvre par « Le Carrouge ». Cet article suggère, entre autres et à juste titre, de ne pas limiter le patrimoine aux habituels croix, lavoirs, puits, etc… mais d'y inclure aussi certaines espèces végétales rares, prenant pour exemple ‘La Rose de Plouër ‘. Il semble que, je cite, « quelques particuliers ont réussi à sauver des plants de rosiers anciens devenus rares alors que d'autres plants ont été éradiqués ».  Heureusement, les rosiers, on le sait, sont des plantes résistantes et « des plants se sont établis sur divers talus ».

Le Carrouge, une petite mais très active association Plouëraise, a d'ailleurs pris en main la préservation de cette Rose et Madame Agnès Thirion, une des membres, s'occupe de ce dossier. Les plants ‘sauvages’ sont régulièrement entretenus et on imagine que les heureux propriétaires de quelques plants de ces rosiers rares s’en occupent avec soins.

Intrigué, je suis donc parti à la recherche de cette rose quasi-mythique, avec l'aide d'amis spécialistes et, bien sûr, de la bienveillance et des informations fournies par Le Carrouge ! Je ne vous ferai pas attendre plus longtemps : Elle existe bien, elle est très belle et délicatement parfumée; elle résiste aux assauts d’autres plantes qui tentent de l’envahir.

Il semble établi que sous l’appellation ‘Rose de Plouër’ se cache un Rosier Gallique (Rosa Gallica), un rosier sauvage qu'on trouve en Europe centrale et méridionale, Asie mineure ainsi qu'en Turquie et dans le Caucase.  C’est une des espèces de rosiers les plus anciennement cultivées, connue des anciens Grecs et Romains.  Au XIXe siècle, c’était une des plus importantes espèces de rosiers cultivés. Les cultivars de l'espèce Rosa Gallica et les hybrides proches en apparence constituent le groupe des rosiers Galliques. Leurs ancêtres sont en général inconnus et l'influence des autres espèces ne peut pas être écartée. On estime qu’il a existé plus de deux mille cultivars de Rosa Gallica, mais que seuls deux cents sont encore cultivés à ce jour.

Ils se caractérisent par leur feuillage ferme et coriace.  Les folioles, d'un vert terne, sont arrondies voire ovales mais jamais allongées. Sept folioles au maximum composent la feuille. La plante ne dépasse guère plus de 50 cm à l’état sauvage. Touffue, elle drageonne allègrement ce qui fait qu’on la trouve le plus souvent en ‘stations’. Le rosier gallique colonise ainsi des lieux précis, il affectionne le bord des fossés, le pourtour des champs ou la lisière des bois. En France, on peut observer ce rosier dans le Sud Est, la région lyonnaise et les Alpes. Plus loin, en Suisse, en Autriche, en Allemagne et jusque dans le Caucase et l’Asie Mineure. L'espèce est facile à cultiver sur des sols bien drainés en exposition ensoleillée ou à mi- ombre. Elle peut résister à des froids allant jusqu’à 25 °C au-dessous de zéro.

Et le Rosier Gallique de Plouër ?

C'est Jean-François Simon, Sculpteur sur bois à Plouer, et des amis de l'association des « piqués de la Rose », fondée en 1994, et dont la passion était de chercher parmi les fleurs sauvages, certaines devenues rares, qui découvrirent à divers endroits de la commune, des buissons de rosiers sauvages très semblables, reconnus par une experte comme une variante de Rosa Gallica Aurelianensis, ou Duchesse d'Orleans, une espèce considérée disparue.

Si le rosier gallique sauvage, possède des fleurs simples (5 pétales), le rosier de Plouër en possède davantage. Il s’agit donc, en réalité, d’un rosier gallique cultivé. Le fait même de sa présence géographique bretonne le prouve. Rappelons qu’il n’existe pas de rosiers galliques sauvages qui poussent spontanément à l’ouest de l’Hexagone. Notre rosier s’est donc très probablement échappé d’un jardin ancien. En effet, les variétés horticoles issues de Rosa Gallica datent pour la plupart du début du XIXème siècle, voire du XVIIIème siècle. Nous ne pouvons pas retracer toute l’histoire passionnante des rosiers galliques (auxquels nombres d’ouvrages ont été consacrés) mais nous avons déjà une certitude : Notre rosier de Plouër est l’un des très anciens rosiers cultivés pour l’agrément de ses fleurs.

Ailleurs, en Bretagne, nous trouvons également des rosiers galliques anciennement cultivés. Pour les découvrir, il suffit d’être observateur. La plupart du temps, ils se cachent dans les haies préservées, aux alentours d’habitations anciennes, voire abandonnées…

Le rosier gallique faisant partie des espèces protégées en France, il est interdit de le prélever sans permission.

Comme c'est déjà  le cas à Plouer sur Rance, ces rosiers méritent toute notre attention. L’aménagement des voies, la suppression des haies et des talus contribuent à la disparition de ces arbrisseaux pourtant coriaces. Il est également recommandé de placer les quelques plants qu'il est possible de prélever pour les placer dans nos jardins et les étiqueter du nom du lieu d’origine. C’est une action qui peut se mener en concertation avec les autorités municipales et sous la direction d’un botaniste.

Il serait intéressant, me dit-on, pour aller au fond des choses, d’effectuer une analyse génétique, de tels plans, grâce aux outils et aux méthodes développés par l’INRA, dont L’antenne d’Angers s’occupe de telles questions depuis de nombreuses années.

Parmi les plus belles reproductions de Rosa Gallica ( dont celle qui orne cette lettre, on trouve celles de Pierre-Joseph Redouté (1759-1840), peintre et botaniste belge connu pour ses aquarelles de roses, de lys et d’autres fleurs au Château de Malmaison, puis artiste officiel de la cour de Marie-Antoinette. Beaucoup ont été publiées sous forme de grandes gravures en pointillé colorées. Il est considéré comme un des plus grand illustrateur botanique de tous les temps.

Il était impossible de terminer cette lettre concernant « La Rose de Plouër » sans évoquer l’ouvrage de Jules Haize, publié en 1914  » Le Légendaire de la Rance » (listé dans notre bibliographie).Il ne compte pas moins de 25 légendes, dont « Les Roses de Plouër », page 133. Je ne tenterai pas de résumer cette légende, mais donnerai la parole à monsieur Haize: ‘ La Côte d’Emeraude qui doit son charme à ses sites enchanteurs, possède l’une des plus jolies, et pourrait-on dire, la plus délicieuse des rivières de France’ et plus loinlaissons-nous envahir par le parfum subtil de ces légendes nées sur la lèvre des trouvères ou dans l’esprit des damoiselles esseulées aux châteaux déserts ».

Vous trouverez bientôt d’autres lettres concernant la flore du Pays de Rance et ses légendes et ci-dessous une photo de la Rose de Plouer, millésime 2023, prise il y a quelques jours.

Remerciements

  1. La Mairie de Plouer-sur Rance et les différents services qui m’ont orienté.
  2. Mme Agnès Thirion: LE CARROUGE , 7 rue du four a chaux, T. 02 56 38 13 78 qui a répondu a mes questions et guidé mes recherches. En 2017 elle a écrit le bulletin No 98 du Carrouge – ARBRES ET JARDINS DE PLOUER- qui consacrait plusieurs pages aux roses anciennes des environs et en particulier cette Rose « locale ». Le Carrouge  a besoin de soutien, n’hésitez pas à vous abonner ou à acheter leurs publications, au Super U de Plouer sur Rance.
  3. Amaury Rosa de Poullois: Passionné de roses, Amaury est également plasticien, professeur d’Orgue et de Piano, pratiquant la culture des rosiers en Bretagne , auteur, avec Pierre-Yves Nedelec (pour la partie photographique) de ROSES GRANDEUR NATURES, chez delachaux & niestlé 2018.
  4. Jean-François Simon: Sculpteur sur bois ( Il donne des cours très recherchés que je recommande vivement) , Jardinier émérite, grand connaisseur de la nature en général, des champignons et des rosiers anciens en particulier. 22, Place Michel Rouvrais, Plouer sur Rance. T 02 96 86 89 15.

 

Après plus de trente années passées sur les bords de la Rance, d’abord en vacances, puis, plus récemment, comme résident, j’ai eu envie de partager mes impressions concernant cet endroit unique, sous la forme d’une lettre, illustrée, hebdomadaire dans un premier temps, adressée aux résidents et visiteurs de cette région superbe, en plein développement.

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