LETTRES DU PAYS DE RANCE

Lettres du Pays de Rance Lettres et promenades

Ces églises qu’on voit de loin

Lettre No 10

24 août 2023 |  

Ces églises qu'on voit de loin…

C'est une courte phrase, dont je n’ai malheureusement pas retrouvé l’auteur, “Les cathédrales, ces signes de pierre”,  qui m’a incité à écrire cette lettre. 

Si vous habitez le pays de Rance, ou visitez régulièrement cette région, vous connaissez certainement plusieurs flèches de cathédrales impressionnantes comme celle de Saint Malo, ou la tour de la basilique Saint-Sauveur de Dinan, deux édifices qu'on voit de loin et sont attachés à l'histoire de ces deux villes importantes. Si vous lisez ces Lettres, vous connaissez aussi l’église d’ Yvignac la Tour, dont Le clocher est une tour étonnamment haute, à l’architecture impressionnante, qui domine toute une région. Mais, c'est la taille étonnante de certaines églises, construites au cœur de très petits villages, qui me surprent le plus. Je pense, entre autres, à l’église de Pleudihen-sur-Rance et celle de Saint-Père-Marc-en-Poulet, toutes deux construites sur la rive droite de la Rance, à quelques kilomètres de distance, dans des paroisses existantes depuis le Ve ou VIe siècle.

Les bâtiments religieux originaux, étaient, c’est certain, moins importants, et probablement pas exactement aux mêmes endroits, mais siècles après siècles leurs dimensions prirent  de l’ampleur ( les deux bâtiments que nous connaissons  de nos jours datant de la fin du XIXe et début du XXe siècle), alors que les villages restaient relativement petits.      

Histoire

Pleudihen-sur-Rance: Son nom Vient du Breton, “Ploe” (comme toutes les communes bretonnes érigées du Ve ou VIe siècle, ce terme signifiant Paroisse) et Tihen ( un obscure saint breton). Elle était très étendue à l’époque, englobant La Vicomté-sur-Rance, Saint-Hélen, Lanvallay. Saint-Solen et Tressaint. Le bourg actuel a été construit  sur une colline de 41m d’altitude, entre le ruisseau de la Chesnais-Coētquen et la Rance. Cet endroit était déjà habité au Paléolithique (-250.000 a –10.000 av. JC ). Son allée couverte date du Néolithique ( -6.000 a -2.000 av. JC) comme le Dolmen de la Tougeais. L’âge du bronze et du fer laissèrent de nombreuses traces(épées, haches et autres). À l’époque Gallo-Romaine, le territoire de la paroisse était traversé par plusieurs voies romaines, dont la voie Aleth-Condate (Saint-Malo – Rennes) et celle de Corseul ( Fanum Martis) à  Avranches ( Legedia).

La première mention de Pleudihen comme paroisse date de 1223, et la première église romane (remplaçant des sanctuaires très anciens), construite sur l'emplacement de l’église actuelle, entourée du cimetière, datait du XIIIe siècle. Tiphaine Raguenel, née à la Bellière, épouse de Bertrand du Guesclin y fut baptisée, en 1335. La seigneurie de la Béllière est mentionnée des le XIIe siècle. La construction de l’actuel château date probablement de la fin du XIVe siècle, début du XVe, par Jean Ier Raguenel  (1364-1415), Vicomte de la Béllière, un homme puissant, membre du conseil de Jean V,  Duc de Bretagne. 

Au début du XIXe siècle, l’église est jugée trop petite pour les 5000 habitants de la paroisse. Le recteur Le Saicherre, du Diocèse de St Brieuc, dont la commune fait maintenant partie, lance une souscription en 1866. Avec l’aide des paroissiens de la commune et de quelques puissantes familles ainsi que du diocèse, les travaux commencent. L’église Romane est  démolie en 1870, pour faire place, non sans péripéties,  à  l’ église Notre-Dame, que nous connaissons, de style néogothique, consacrée en 1878 et achevée en 1881. Ses dimensions mais aussi son mobilier et ses vitraux (offerts par des donateurs) confirment les ambitions du projet. Elle est visible de Saint-Suliac, Plouër-sur-Rance mais aussi de Dinan et Dol de Bretagne.

Lors de la création des départements , en 1790 la commune sera rattachée, après de vifs débats, au département des Côtes-du-Nord, ( Côtes-d’Armor maintenant). Comme plusieurs autres communes de la rive droite de la Rance, (Lanvallay, Tressaint, St Helen, St Solen, Evran, etc.), elle devait faire partie du département d’Ille-et-Vilaine. Mais, suite aux exigences de Saint-Malo, qui convoitait les 4 communes du coté gauche de la Rance ( St Énogat, St Lunaire, St Briac et Pleurtuit), et après de longs débats, les 4 communes de la rive gauche furent échangées contre 12 communes de la rive droite.

0n peut aussi citer les nombreux Acadiens déportés du Canada qui vécurent en Bretagne.  Près de 2000 d’entre eux séjournèrent pendant 25 ans à Ploüer, Saint-Suliac et  Pleudihen entre 1759 et 1785. 

En 1972 , après de nombreuses hésitations, Pleudihen devint, Pleudihen-sur-Rance, afin d’avoir une meilleure « visibilité » touristique. Quelques statistiques: 2,455 Ha de superficie 15 kms de littoral, 2980 habitants (2020).Elle se définit maintenant comme « Le village entre terre et mer ». Le clocher de l’église, haut de 59m, domine la Rance depuis ses 97m au dessus du niveau de la mer et se voit donc de très loin.

 

 

Saint-Père-Marc-en-Poulet: Le nom vient du Gallois Per (Pierre) et du Franc Marck (démarcation) étant sur la frontière du clos Poulet ( poulet  venant de Plou-Aleth ou Pays d'Aleth).C'est donc Saint Pierre sur la frontière du pays d'Aleth. Le rajout de Marc-en-Poulet datant de novembre 2018 seulement.

Les plus anciennes traces d’occupation humaine à Saint-Père (Les Gastines) datent du Paléolithique et sont très semblables au gisement de Grainfollet à Saint-Suliac. Quatre églises se sont succédées à cet endroit, la première au 6e siècle , la dernière en 1904 pour remplacer une église datant du XVe siècle, dédiée depuis l’antiquité à Saint-Pierre. 

Au XVe siècle, le bourg est un domaine de « haute Justice » ou  on trouve la prison, l’auditoire  et les armes de la Seigneurie de Saint-Père, qui comprenait 11 paroisses: Saint-Père-marc-en-poulet, Saint-Guinoux, Miniac-Morvan, Châteauneuf, Lillemer, Saint-Méloir et Saint-Benoit des ondes, La Gouesnière, la Fresnay, et Saint-Jouan-des-Guérets. Durant les travaux  de construction de l’église on retrouva, derrière d’anciennes boiseries, les armes de la famille de Saint-Père qui tirait son nom de la paroisse. Cette famille avait une certaine importance au moyen âge; elle habitait probablement le manoir de la Motte en 1513. elle a donné un évêque au diocèse de Vannes, Gauthier de Saint-Père , encore vivant en 1357. Au XVIIIe siècle, le Marquis de Châteauneuf était seigneur supérieur de Saint-Père.     

On cultivait la vigne (comme à Saint-Suliac), gérait des métairies, des moulins à vent et à eau, des pressoirs à vin et cidre,  et d'autres activités. Au 18e siècle, les céréales  formaient la base des exploitations, ainsi que la culture des plantes textiles (lin et chanvre).Puis les pommes de terre, et le tabac. Des marais salants étaient exploités comme à Saint-Suliac.

L’économie locale de Saint-Père-Marc en Poulet est restée essentiellement agricole avec 84% de territoires cultivés;  Au début du 19e siècle, les céréales n’étaient plus la base de l’exploitation rurale. Elles avaient cédé la place aux plantes industrielles (colza, lin, chanvre, pommes de terres, tabac), qui furent cultivées à grande échelle. La culture du tabac apparut en 1817, date de la première déclaration à la mairie. Après avoir été un instant florissante, cette culture diminua progressivement de 1900 à 1925, pour disparaître tout à fait en 1926.

Actuellement, il reste quelques séchoirs à tabac à l’Ecure et à Beaulieu. Vers 1860, le lin et le chanvre occupaient plusieurs hectares et donnèrent naissance à la petite industrie locale qui exigeait une main-d’œuvre affectée au rouissage, au teillage, à la production de la filasse et de la toile. Cette culture disparut vers 1880. Quant au colza, sa disparition se fit vers 1890.

Le pommier était l’arbre le plus planté et la fabrication du cidre occupait tous les cultivateurs, d’octobre à décembre. Les moutons élevés dans les pâturages de l’estuaire de la Rance étaient très recherchés. En 1820, on comptait 300 têtes contre seulement 5 en 1902.

 

Pleudihen aujourd’hui

Tout d’abord, quelques mots concernant Mordreuc, sa cale et son port. En ancien breton  Mor-Truc ( traversée de la mer), ou Mor-Douiz ( mer des druides ),signifie un point de passage  d’une rive à l’autre, ce qui était le cas avant la construction du port de Pleudihen. C’est grâce à La création de la cale et du port de Mordreuc en 1879, ainsi que du havre des Bas-Champs, que l’activité économique de Pleudihen-sur-Rance se développa. Les « Gabariers de la Rance » comme ils étaient connus, faisaient le trafic marchand avec Saint-Malo jusqu’au début du XXe siècle: bois de chauffage et fagots d’abord, puis des pommes, du cidre et d’autres produits fermiers. Après la disparition des derniers bateaux, l’activité deviendra essentiellement agricole. elle se renforcera encore par La création des « celliers associés »,  et  du cidre « Le val de Rance ». Plus tard l’ouverture des « galettes Bertel »  et « des galettes de Pleudihen », ainsi que le musée du cidre, contribuèrent à faire de ce village, une capitale cidrière.  

Il y a plusieurs restaurants dans le centre du bourg, dont « Italie sur Rance », qui vend des produits italiens qu’on peut déguster à l’arrière dans un restaurant avec une terrasse; Osmose un restaurant gastronomique classé, et, avec une superbe vue sur la Rance près de la Cale de Mordreuc, un restaurant touristique avec Terrasse couverte, ainsi  que quelques autres établissements. À ma grande surprise, on y trouve aussi 2 cafés tabacs se faisant faces (?), une officine d’Etiopathie ( sorte d’ostéopathie avec des techniques différentes), un coiffeur, une boulangerie-pâtisserie,  un mini Super U, et plusieurs autres commerces et services. Dans la zone artisanale installée récemment près de la gare ( et oui, il y a une gare et des trains qui s’y arrêtent), des producteurs/vendeurs de Craquelins (Bellier), Fagots et Froments  ( boulangers artisanaux) et le panier de Pleudihen ( légumes et autres produits locaux).

 

Saint-Père-Marc-en-Poulet aujourd’hui

Le centre du village est resté très semblable à ce qu’il était au XVIIIe et XIX siècles  avec des extensions  dans toutes les directions sous formes de lotissements de styles et architectures très différents. Tous les commerces de base sont présents dans le bourg , y compris un marché couvert et quelques boutiques      (un coiffeur « L’éclat dans l’Hair » et un Boulanger-Pâtissier »). Un espace nommé précédemment « le Panier de Saint-Père » est en quête de locataires. Un nouveau restaurant,  « A mon RestO » vient d’ouvrir au cœur du village, qui dans l’ensemble évolue grâce à sa proximité de Saint-Malo, au tourisme et aux activités liées au Fort de Saint-Père (un festival de musique réputé, entre autre).

On peut noter que le moulin de Beauchet (une reconstruction de 1882 suite a un incendie),  est classé monument historique depuis 1986. Avant 1789 il servait aux habitants de Châteauneuf, pour moudre le blé.

En 2020 la commune occupait une superficie de 19,74 km2 avec une population de 2346 personnes, c’est a dire plus petite que Pleudihen.

 

 

Ces deux églises sont à leur façon des « signes de Pierre » que de nombreux habitants de la région, et probablement encore plus de visiteurs puis de touristes ont admiré, photographié, peint, ou observé à la jumelle, sans connaitre leur nom. Pour ces villages/paroisses, créées au 5e, 6e ou 7e siècle ces églises sont restées le centre de la vie quotidienne, grâce aux commerces de tous genres qui les entourent.  Saint-Malo s’étend inexorablement  en direction de Saint-Père-Marc-en-poulet, alors que Dinan fait de même en direction de Pleudihen.

À suivre

 

Après plus de trente années passées sur les bords de la Rance, d’abord en vacances, puis, plus récemment, comme résident, j’ai eu envie de partager mes impressions concernant cet endroit unique, sous la forme d’une lettre, illustrée, hebdomadaire dans un premier temps, adressée aux résidents et visiteurs de cette région superbe, en plein développement.

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