LETTRES DU PAYS DE RANCE

Lettres du Pays de Rance Lettres et promenades

Les Templiers en Bretagne: Le Temple de Lannouée, Yvignac-la-Tour

Lettre No11

29 septembre 2023 |  , ,

La chapelle Saint-Jean Baptiste Lannouée

Bonjour chers lecteurs,

Après une pose de quelques semaines, dédiée à des recherches et un peu de repos, nous voila de retour avec une lettre qui fera partie d’une série consacrée à la présence des Templiers en Bretagne, et ce qu’il en reste. Tout a commencé en ce qui me concerne, par la découverte, durant  une visite guidée, d’une chapelle (dédiée à Saint Jean-Baptiste) dans la commune d’Yvignac-la-Tour, un endroit que vous connaissez de mieux en mieux si vous lisez ces lettres, au lieu dit le Haut Lannouée.

Commençons par quelques informations concernant les Templiers en Bretagne. J’emprunterai des informations de multiples sources dont:

  • L’inventaire du Patrimoine Culturel en Bretagne ( Bretagne, Cotes d’Armor, Yvignac La Tour)
  • « Les templiers en Bretagne au moyen âge: mythes et réalités »  Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2012.Philippe Josserand; maitre de conférence -Université de Nantes.
  • L’ordre du Temple en Bretagne InfoBretagne;.Abbé Guillotin de Corson

L’Ordre religieux-militaire des Templiers est né entre 1118 et 1120 à Jérusalem, à l’initiative d’un seigneur champenois, Hugues de Payns, qui en devint le Premier Maitre. Ils se donnaient pour but, de protéger les pèlerins et de défendre par les armes les états latins issus de la première croisade (1096-1099); Ils firent  les trois vœux ordinaires des religieux: pauvreté, chasteté et obéissance. Baudoin II, roi de Jérusalem, leur assigna pour demeure l’ancien temple de Salomon; ils prirent le nom de « Frères de la Milice du Temple » ou « Chevaliers Templiers ». En 1127, Hugues de Payns et quelques compagnons entreprirent un voyage de plusieurs années en occident pour s’assurer du soutien matériel et spirituel de l’occident et, surtout, de l’Église. Ils obtinrent la reconnaissance de l’ordre au concile de Troyes en 1128, confirmé par le pape Honorius II, qui leur ordonna de porter un habit et un manteau blancs, auxquels Eugène III ajouta une croix Rouge en 1146.

Durant ce voyage, il visita la Bretagne, où il reçut diverses donations. Il rencontra probablement à Nantes le duc Conan III, qui régnait sur la Bretagne et fit également des dons (l’ile de la Hanne par exemple, mais aussi des métairies et d’autres biens). Hughes de Payns rentra en terre sainte ou il mourut en 1136, succédé par Robert de Craon. Cinq ans plus tard on trouvait près de Conan III, trois Templiers: un précepteur, sorte de comptable (Guillaume Faucon) et deux Chevaliers (Alfred et Henri) en charge de gérer les possessions et activités des Templiers.

Durant les XIIe et XIIIe siècles les Templiers se répandirent avec rapidité dans toute la Bretagne. Riches et pauvres, tout le monde donnait aux Templiers.  La multiplicité des dons fut enregistrée dans une charte (contestée)  vers 1182. Même si la liste semble incomplète, Il est certain que la quantité et la qualité des biens et ressources accumulés par les Templiers étaient devenus considérables et leur pouvoir important militairement, financièrement, et politiquement sachant qu’ils dépendaient du pape et pas du Roi. A la fin des croisades, les terres saintes échappent à la Chrétienté, et les chevaliers du Temple rentrent en Occident ou ils se mêlent de plus en plus (un peu trop) à la vie des sociétés locales

Le roi  de France Philippe le bel et le pape Clément  V déclarent les templiers « hérétiques » et le 14 septembre 1307, le souverain Capétien ordonna, en secret, leur arrestation, qui eu lieu le vendredi 13 Octobre 1307, ainsi que la confiscation de tous leurs biens, en partie transférés aux hospitaliers de Saint-Jean en 1313.

Plusieurs lettres à venir seront consacrées aux tribulations des Templiers en Bretagne, mais revenons à la chapelle Saint Jean Baptiste. Selon les époques le nom du hameau ou elle se trouve changera en la Noueux, la Nouaye, Lanhoe, La Nouée, Lannoys, tous noms d’origine celtique qui signifient « lieu humide ou marécageux ».

En 1182, les Templiers se voient confirmer une aumône à Lanhoe par la charte confirmative de Conan IV. Cette aumône va devenir un établissement où, en 1294, Pierre de Lannouée est reçu dans l'Ordre du Temple de Lannoys, par Pierre de Villiers, accompagné de trois frères templiers. En 1313, lors de la dévolution des biens templiers aux Hospitaliers, Jean de Châlons, commandeur Hospitalier de La Feuillée est mis en possession de la « domus de Lannoys ». Dans le courant du XIVe siècle, le Temple de Lannouée est rattaché à la commanderie de La Guerche. Au tout début du XVIIe siècle, le manoir de la Guerche étant en partie détruit, le commandeur François de Lesmeleuc préfère séjourner à Lanouée où il y fait construire le manoir des Salles. Dans la Réformation des domaines de Bretagne de 1681, il est précisé que le manoir principal est situé en la paroisse de Ivignac et « consiste en un corps de logeix couvers d'ardoizes, granges, cour, jardin, une chapelle, bois de haute futaye » ( en vieux Français, vous l’avez compris) , à cela s'ajoutent « plusieurs prés dont deux nommés les grandes et petites Justices ». Lors d’une visite de La nouée en 1747, des frères sont accueillis par Olivier Botrel, métayer du lieu. Le procès-verbal de cette visite est très détaillé et permet de mieux comprendre l’importance de cet édifice: « l'autel est fait d'une seul pierre de taille, ses gradins sont ornés d'un grand crucifix de bois accompagné de deux chandeliers, sur l'autel, il y a les statues de Saint-Martin et de Saint-Etienne et au-dessus, le Saint-Esprit dans une niche en bois, il y a un coffre qui renferme les ornements pour les offices, la nef est aussy bien pavée presque toute en tombe de pierre ». Il est précisé que « la chapelle et le chœur sont nouvellement lambrissés, que le prêtre d'Yvignac, Jan Branchu, est chargé de dire la messe les dimanches et lors de fêtes annuelles et que le Temple de Lannouée possède une basse et moyenne justice qui s'exerce en la ville de Dinan ».
Apres la révolution, le domaine de Lannouée est vendu pour 3000 francs le 17 Pluviose de l'an VI (5 février 1798) à Michel Frère, un agriculteur. Au mois de juillet 1935, une tranchée est creusée pour l'établissement d'une scierie dans la nef, elle révèle huit sépultures dont les squelettes sont alignés tête-bêche. Puis, au mois d'avril 1981, des fouilles archéologiques sont opérées, elles mettent au jour une clôture de cimetière autour de la chapelle et confirment l'absence de substructures antérieures à la période romane.
 
 

Cette « drôle de chapelle » comme la décrit un guide est un bel exemple de la qualité et simplicité des construction des Templiers. A sa façon elle est imposante; on en sort  avec des images qui donnent envie d’en savoir plus.

Malheureusement, comme le souligne Philippe Josserand, « le bâti laissé par les Templiers en Bretagne, s’il a fait couler beaucoup d’encre », « comporte de nombreuses identifications erronées » et « presque toutes les églises  du Temple qui subsistent aujourd’hui, ont été reconstruites à l’initiative de L’Hôpital, entre le XVe et XVIIe siècles, dans le style flamboyant développé après la fin des guerres de successions ». « Deux seulement n’ont subis que des modifications minimes, et se présentent dans un état proche de celui qui était le leur à l’époque des Templiers ». Il s’agit des chapelles  de Lannouée ( dont nous venons de parler) et de Clisson ( dont nous parlerons dans une prochaine lettre).

A suivre avec attention …

 

Après plus de trente années passées sur les bords de la Rance, d’abord en vacances, puis, plus récemment, comme résident, j’ai eu envie de partager mes impressions concernant cet endroit unique, sous la forme d’une lettre, illustrée, hebdomadaire dans un premier temps, adressée aux résidents et visiteurs de cette région superbe, en plein développement.

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