Lettre n° 4
25 juin 2023 | Lettre, Promenade | architecture, Dinan, Patrimoine, Pays de Rance, Tourisme
Contrairement ce que soutiennent livres d'Histoire et guides touristiques, Dinan n'est pas une cité médiévale, mais un ensemble urbain composé d'immeubles et de monuments de diverses époques, tels que le 19ème et le début du 20ème ont bien voulu les faire parvenir jusqu'à nous.
Au sortir de la Révolution, l'afféagement des remparts inaugure une suite ininterrompue de destructions du tissu architectural Dinannais, qui ira bon train pendant un siècle.
En 1876, la magnifique commanderie des Templiers de la place des Cordeliers fut rasée sans l'ombre d'un regret au prétexte qu'elle gênait la circulation, alors qu'il s'agissait d'un des plus anciens édifices de la ville, datant pour l'essentiel du XIIIème siècle.
Ci-dessus, a droite de la place des Cordeliers, la face nord de la commanderie des Templiers (avant sa destruction)
Après un feuilleton aux multiples épisodes qui dura un demi siècle, 1886 verra la tragique démolition de la porte de Brest, la plus importante de la ville, alors que les premiers touristes commençaient à visiter la ville sur les pas de Victor Hugo et de Prosper Mérimée.
La porte de Brest
Oublions l'élargissement de la rue de l'Horloge qui entraina la destruction de quelques belles maisons à encorbellement, pour nous arrêter sur l'incendie qui ravageât les porches de la place des Cordeliers en 1907. Le drame dans ce malheur fut la décision de ne pas les restaurer – pour les remplacer par un alignement d'immeubles sans grand intérêt et sans arcades, qui sont bien utiles, car en pays Gallo, il faut bien le dire, il pleut de temps en temps.
Le résultat de ces atteintes répétées au patrimoine se résume par deux chiffres : Il subsistait plus d'une centaine de maisons à porches à la fin du 18ème siècle à Dinan. Il n'en reste plus aujourd'hui que quatorze. La plupart d'entre elles ayant disparu tout au long du 19ème siècle, quasiment dans l'indifférence générale.
Mais si l'époque a beaucoup détruit, elle a aussi beaucoup construit, et Dinan n'échappa pas aux immeubles inspirés de la période médiévale. Après avoir démoli les vestiges du véritable Moyen Age, les nostalgiques de la chevalerie et des croisades firent sortir de terre des pastiches dont la cité bénéficia pleinement. L'ensemble scolaire Notre-Dame de la Victoire, par exemple, bien que datant de 1936 se présente comme un lointain écho du siècle antérieur. Les exemples sont nombreux et continueront à apparaitre au début du 20e siècle.
En 1929, Dinan élit un nouveau maire, Michel Geistdoerfer, d’origine alsacienne mais natif de la ville, ou son grand-oncle avait fondé la première brasserie de Bretagne. Il choisit un architecte de renom, Georges-Robert Lefort, enseignant à l'école nationale supérieure d'architecture de Bretagne, très actif au sein des organismes architecturaux, et nommé Architecte en Chef du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme après la guerre.
Le résultat, une série de bâtiments influencés par le courant Art-Déco et sa version Bretonne « Ar Seiz Breur », dont l'école de Commerce et d'Industrie, la poste et la gare, parmi d’autres.
L’ école de Commerce et d'industrie ( maintenant Collège Roger Vercel ),
La poste
La Gare, classée Monument historique en 1995, avec son buffet surmonté d'un toit en cloche, une façade originale avec un beffroi spectaculaire et un superbe hall d'entrée ou se trouvent deux importantes mosaïques, représentant, l'une la carte des chemins de fer de la région, l'autre un plan de la ville de Dinan, a été en partie rénovée ; son buffet, d’un style très original, vient de rouvrir après de longs travaux. Il est très rapidement devenu le nouvel endroit à visiter.
Elle offre aussi aux habitants et visiteurs, un musée du Rail très original qui rappelle aux jeunes générations, le rôle unique que jouait les trains dans la vie du Pays de Rance.
Le Musée du Rail.
Enfin, la deuxième moitié du 20ème siècle, vit un intérêt plus sérieux se manifester pour les remparts – et pour le patrimoine urbain en général, dans le sillage de la célèbre émission de télévision du même nom, on vit surgir des chefs-d'œuvre en péril[1]. Les remparts de Dinan étaient sauvés !
[1] Diffusée par l'ORTF de 1964 à 1991.
A ce jour, les bâtiments de différentes époques, y compris les plus récentes, semblent cohabiter sans trop de frictions, et bénéficier des soins attentifs des plus récentes municipalités. Après plusieurs années d’absences, Les visiteurs, de plus en plus nombreux, recommencent à arriver du monde entier, confirmant l’intérêt que suscite cette ville.
Il y aurait beaucoup plus à dire concernant Dinan, son architecture et son histoire; ce sera fait dans des lettres à venir.
Mais je voudrais terminer par quelques phrases de Jacques Petit, homme de lettres bien connu à Dinan, disparu en 2012. Elles proviennent d’un court texte » La ville aux trois visages » dans le tome XXI de la revue » Le Pays de Dinan » , revue dont il avait été le Secrétaire: » demeurer dans une ville ancienne. c’est consentir à un jeu quotidien, changeant et déconcertant, parfois mélancolique et toujours charmant. On croirait qu’une fée, à la fois espiègle et discrète, tient un miroir à trois faces et s’y contemple complaisamment. Certains jours, et surtout certains soirs quand le ciel déjà s’assombrit, la cité redevient médiévale. ». Je vous laisse imaginer les autres visages, et vous recommande la lecture de la revue.
Juin 2023
Remerciements : Cette lettre a été inspirée et nourrie par les recherches d'un ami Dinannais.